Note sous Cass. ch. mixte, 19 juill. 2024, pourvois n° 20-23.527 et 22-18.729 (deux espèces) :
« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » (C. civ., art. 2224). Le point de départ « glissant » ou « flottant » de ce délai de prescription de droit commun suscite un abondant contentieux. Il donne lieu à une casuistique jurisprudentielle parfois confuse, car les solutions consacrées au fil des arrêts peuvent être difficiles à articuler entre elles. La chambre mixte profite de deux affaires connexes pour tenter de clarifier le point de départ du délai de prescription applicable à une action consécutive à un autre litige.
Dans la première espèce (pourvoi n° 20-23.527), l’administration fiscale procéda à un redressement contre des donataires. Après la notification par l’administration de l’avis de recouvrement, les donataires contestèrent le redressement. De nombreuses années plus tard, leurs recours contentieux furent rejetés définitivement par les juridictions administratives. Les donataires assignèrent alors en responsabilité le notaire ayant instrumenté les donations, mais la cour d’appel saisie de l’affaire déclara leur action prescrite, car intervenue plus de cinq ans après la notification par l’administration fiscale de l’avis de recouvrement.
Dans la seconde espèce (pourvoi n° 22-18.729), une conjointe survivante avait consenti, sous le contrôle de son avocat, à une convention sous seing privé organisant le partage amiable de la succession entre les héritiers. Elle assigna ensuite en responsabilité le notaire en charge du règlement de la succession en faisant valoir que celui-ci avait manqué à son devoir de conseil quant à la possibilité de cumuler ses droits légaux avec la libéralité testamentaire. Par un arrêt devenu irrévocable, le notaire fut condamné à payer à la conjointe survivante des dommages-intérêts. Le notaire intenta alors un recours en contribution contre l’avocat de la conjointe survivante. Il estimait que celui-ci avait, par sa faute, concouru à la réalisation du préjudice de sa cliente à hauteur des deux tiers. La cour d’appel saisie de l’affaire déclara l’action prescrite en retenant comme point de départ du délai de prescription le jour où la conjointe survivante avait assigné le notaire en réparation.
Dans ces deux affaires, la Cour de cassation devait se prononcer sur le point de départ du délai de prescription dans le cadre d’une situation triangulaire où l’action en réparation ou en contribution dépendait du sort d’une instance antérieure opposant le demandeur à un tiers.
En chambre mixte, la haute juridiction choisit de ne pas uniformiser le point de départ du délai de prescription de ces actions, mais d’effectuer une distinction.
Le délai de prescription de l’action principale en réparation d’un dommage dépendant d’une procédure contentieuse opposant la victime à un tiers commence à courir au jour de la décision juridictionnelle devenue irrévocable établissant le droit du tiers.
Le délai de prescription de l’action récursoire exercée par le coresponsable solvens contre un autre coresponsable commence à courir à la date à laquelle le premier a été assigné en réparation par la victime.
Mon analyse de ces deux arrêts peut être consultée à la Revue Lamy Droit civil.
Références de l’article : « Point de départ du délai de prescription de l’action consécutive à un autre litige », note sous Cass. com., 3 juill. 2024, RLDC 2024/230, n° 7609.