L’été approche et avec lui la période des révisions intensives pour les étudiants qui préparent les épreuves écrites de l’examen d’entrée aux CRFPA. Le droit des obligations est la seule matière qui n’est pas laissée au choix du candidat, et il peut être fastidieux de se replonger dans ses cours de licence 2 et de licence 3, a fortiori si l’on s’est spécialisé par la suite en droit public. La matière est tellement vaste qu’elle est traditionnellement l’objet à l’université de trois cours fondamentaux : droit des contrats, droit de la responsabilité civile et régime général de l’obligation. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de m’atteler à la rédaction de fiches sur quelques notions clés du droit des obligations dans l’optique de rendre les révisions un peu plus aisées.
L’idée est de constituer des fiches les plus synthétiques possibles proposant une vue d’ensemble des notions. Au-delà du CRFPA, ces fiches peuvent bien sûr être utiles aux révisions pour d’autres examens ou concours et, pourquoi pas, pour tenter d’y voir un peu plus clair sur des notions complexes parfois difficiles à appréhender, par exemple lors de la préparation d’une séance de travaux dirigés. Afin de pouvoir atteindre un compromis acceptable entre synthèse et complétude, j’ai choisi de me concentrer sur le droit positif en vigueur en proposant une vue transversale de chaque notion sans trop entrer dans les détails. Je m’efforcerai tout de même d’évoquer le droit antérieur lorsqu’il y aura eu d’importantes évolutions afin de replacer un minimum le sujet dans son contexte et suggérer ainsi quelques pistes de réflexion, mais je n’irai pas plus loin que la simple évocation.
L’objectif étant de rendre ces notions les plus accessibles possibles, il va de soi que ces fiches ne sont pas suffisamment approfondies pour servir à un travail de recherche sérieux, ne serait-ce qu’une dissertation ou un commentaire d’arrêt. Pour cela il existe déjà de nombreuses ressources, notamment les manuels et les bases de données en ligne.
Ma première fiche, que vous trouverez ci-dessous, est consacrée aux clauses limitatives de réparation. La rédaction de ce genre de fiches demandant un certain temps, il est évident qu’elles seront publiées très progressivement et que je n’ai aucunement la prétention de couvrir la totalité des notions du droit des obligations. J’essaierai de sélectionner quelques notions incontournables qui se prêtent facilement à cet exercice de présentation synthétique.
La clause limitative de réparation peut être définie comme la « clause qui a pour objet de limiter par avance à une somme ou à un taux déterminé le montant des dommages-intérêts »(1). Si l’on trouve parfois l’expression « clause limitative de responsabilité » (y compris dans le Vocabulaire juridique de l’association Henri Capitant), les spécialistes du sujet lui préfèrent en général l’expression « clause limitative de réparation » car il ne s’agit pas de modifier les conditions de la responsabilité, mais simplement de plafonner le montant de la réparation due lorsque les conditions de la responsabilité sont réunies.
Première difficulté de qualification : il faut distinguer les clauses relatives à la réparation des clauses relatives aux obligations. Imaginons un contrat entre une société de pressing et son client qui contiendrait la clause suivante : « La société de pressing ne sera tenue au paiement d’aucun dommage-intérêt si elle ne parvient pas à faire disparaître les tâches d’huile ». Malgré les apparences, il ne s’agit pas d’une clause limitative de réparation, mais d’une clause qui vient, en amont de la réparation, limiter l’obligation de nettoyage (obligation de faire) dont est tenue la société de pressing : le débiteur s’engage à nettoyer toutes les tâches, sauf les tâches d’huile. Ainsi s’il reste une tâche d’huile sur le vêtement l’obligation ne sera pas considérée comme inexécutée et la question de la limitation de la réparation ne se posera même pas. Ce n’est donc pas une clause limitative de réparation, mais une clause qui définit les obligations que le contrat va faire naître.
Deuxième difficulté de qualification : il faut distinguer les clauses limitatives de réparation des clauses pénales. La distinction est simple dans la théorie : la première fixe un plafond au montant des dommages-intérêts dus en cas d’inexécution, la seconde fixe par avance et forfaitairement le montant des dommages-intérêts dus en cas d’inexécution. La clause limitative de réparation est stipulée dans l’intérêt du débiteur, ce dernier connaît le montant maximum qu’il devra payer en cas d’inexécution : il pourra payer moins si le préjudice subi par le créancier est moindre, mais il ne pourra pas payer plus si le préjudice est supérieur au plafond d’indemnisation prévu par la clause. A contrario la clause pénale est stipulée dans l’intérêt du créancier : elle a un caractère comminatoire par le fait que le débiteur sait exactement, par avance, le montant des dommages-intérêts qu’il devra payer en cas d’inexécution, ce montant est soustrait à l’aléa de l’évaluation du préjudice par le juge, et surtout le montant prévu par la clause pénale est souvent supérieur au préjudice réel anticipé afin de donner sa fonction punitive à la clause (d’où son nom de clause pénale) et donc son caractère comminatoire. En pratique la distinction peut être plus délicate lorsque le montant prévu par la clause pénale est inférieur au préjudice réellement subi par le créancier de l’obligation inexécutée. Dans ce cas on pourra se demander s’il ne s’agit pas en réalité d’une clause limitative de réparation déguisée. La qualification n’est pas sans conséquence puisque le régime juridique applicable aux clauses pénales est différent de celui applicable aux clauses limitatives de réparation : les clauses pénales ont des conditions de validité beaucoup moins strictes, mais en contrepartie leurs montants peuvent être révisés par le juge s’ils sont manifestement excessifs ou dérisoires (art. 1152 du Code civil).
Les problématiques afférentes à la qualification ayant été rapidement abordées, nous allons nous concentrer dans le reste de cette fiche sur le régime applicable.
La validité des clauses limitatives de réparation en matière de responsabilité délictuelle est discutée au sein de la doctrine. C’est une question qui se pose très rarement en pratique, les arrêts et dispositions sur le sujet sont donc très rares mais sont généralement hostiles à ces clauses(2). La quasi-totalité du contentieux concerne la responsabilité contractuelle, c’est donc sur ce terrain que nous allons nous concentrer dans cette fiche. Pour qu’une clause limitative de réparation puisse produire ses effets en cas d’inexécution, c’est-à-dire limiter le montant de la réparation due par le débiteur, il faut d’abord qu’elle soit déclarée valide (I), puis qu’elle ne soit pas rendue inefficace du fait de la gravité de l’inexécution (II).
Notes de bas de page :- Vocabulaire juridique de l’association Henri Capitant, dir. G. Cornu, PUF, 2008, v° Clause limitative de responsabilité. [↩]
- On peut notamment citer l’arrêt Cass. civ. 2e, 28 nov. 1962 : « en cette matière [délictuelle] sont nulles les clauses d’exonération ou d’atténuation de responsabilité, les articles 1382 et 1383 du Code civil étant d’ordre public et leur application ne pouvant être paralysée d’avance par une convention ». En ce qui concerne les dispositions spéciales relatives à cette question, on peut citer l’article L415-6 du Code rural : « Est réputée non écrite toute clause insérée dans les baux stipulant que les détenteurs du droit de chasse dans les bois situés au voisinage des terres louées ne sont pas responsables au sens des articles 1382 et suivants du code civil, des dégâts causés aux cultures par les lapins de garenne et le gibier vivant dans leurs bois ». [↩]