Comment compter le nombre d’alinéas que comporte une disposition légale, réglementaire ou constitutionnelle ? Comment déterminer le numéro d’un alinéa ? Ces questions peuvent paraître simples, mais elles le deviennent beaucoup moins en présence de textes qui contiennent des énumérations. Sauriez-vous par exemple déterminer le nombre d’alinéas que comporte l’article 524 du Code civil reproduit ci-dessous ?
Article 524 du Code civil :
Les animaux et les objets que le propriétaire d’un fonds y a placés pour le service et l’exploitation de ce fonds sont immeubles par destination.
Ainsi, sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l’exploitation du fonds :
Les animaux attachés à la culture ;
Les ustensiles aratoires ;
Les semences données aux fermiers ou métayers ;
Les pigeons des colombiers ;
Les lapins des garennes ;
Les ruches à miel ;
Les poissons des eaux non visées à l’article 402 du code rural et des plans d’eau visés aux articles 432 et 433 du même code ;
Les pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes ;
Les ustensiles nécessaires à l’exploitation des forges, papeteries et autres usines ;
Les pailles et engrais.
Sont aussi immeubles par destination tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure.
Comme souvent en matière de grammaire ou de typographie, il n’y a pas une règle unique, simple et qui fasse l’unanimité, mais plutôt des règles multiples. Le Parlement et le Gouvernement ont en effet longtemps utilisé des méthodes de comptage différentes. Si les modes de calcul ont heureusement été harmonisés en 2000 (I), la divergence demeure dans les textes publiés antérieurement (II).
I) Le principe : un retour à la ligne = un nouvel alinéa
Le Parlement comme le Gouvernement ont aujourd’hui pour usage de compter comme un alinéa tout mot ou ensemble de mots qui commencent à la ligne, alors même qu’ils ne constituent pas, à eux seuls, une phrase, et quels que soient les signes de ponctuation dont ils sont précédés. Le Gouvernement, à la suite du Conseil d’Etat, s’est en effet aligné sur le mode de computation des deux chambres parlementaires par une circulaire du 20 novembre 2000(1).
La règle est donc aujourd’hui très simple : chaque retour à la ligne correspond à un nouvel alinéa. Ainsi, dans l’article 524 du Code civil précité, on compte treize alinéas. Dans l’article 347 du même code reproduit ci-dessous, on compte quatre alinéas. L’article 347 1° est donc l’article 347, alinéa 2.
Article 347 du Code civil :
Peuvent être adoptés :
1° Les enfants pour lesquels les père et mère ou le conseil de famille ont valablement consenti à l’adoption ;
2° Les pupilles de l’Etat ;
3° Les enfants déclarés abandonnés dans les conditions prévues par l’article 350.
II) L’exception : les textes réglementaires antérieurs à 2000
La circulaire harmonisant les règles de computation de l’exécutif et du législateur datant du 20 novembre 2000, tous les textes à valeur réglementaire adoptés avant cette date continuent d’utiliser l’ancien mode de computation.
Avant cette date, le Gouvernement utilisait le mode de computation préconisé à l’époque par le Conseil d’Etat(2), rappelé au point 1.1.3.5 de la circulaire du 30 janvier 1997 : « Un alinéa comprend au moins une phrase entière. »(3) Par conséquent il n’y a « d’alinéa que lorsque l’on va à la ligne après un point. (…) quand un alinéa se compose d’un « chapeau » suivi, après renvoi à la ligne, d’une énumération sous forme de tirets ou d’une numérotation (1°, 2°, etc.), il y a lieu d’en tenir compte pour désigner, dans le texte, celui des alinéas de l’article auquel on entend faire référence. »(4)
Ainsi, s’il est fait référence à l’article 347 du Code civil dans un texte à valeur réglementaire adopté avant le 20 octobre 2000, il faut considérer que cet article ne contient qu’un seul alinéa et non pas quatre puisqu’il ne comporte qu’une seule phrase et un alinéa doit comporter au moins une phrase entière. L’article 524 du même code, selon ce mode de computation, comporte trois alinéas et non pas treize.
Il peut être délicat de déterminer quel est le mode de computation utilisé lorsque le texte réglementaire est antérieur à la circulaire du 20 octobre 2000 mais a été modifié depuis. Lorsque le texte comporte une énumération numérotée ou sous forme de tirets, on peut faire référence à un élément de l’énumération par son numéro s’il en contient un, ou par le numéro du tiret à défaut, ce qui évite toute ambiguïté. Cette technique est régulièrement utilisée dans les décrets qui modifient d’autres décrets, on peut par exemple lire dans un décret de 1997 : « Les treizième et quatorzième tirets sont remplacés par les dispositions suivantes »(5). L’ambiguïté demeure en revanche lorsque l’énumération opère un retour à la ligne pour chaque élément énuméré sans tiret et sans numérotation, comme c’est le cas pour l’article 524 du Code civil.
Le point 4 de la circulaire du 20 octobre 2000 précitée donne la préconisation suivante : « Aussi est-il souhaitable qu’à l’occasion des mofidications qui seraient apportées à un texte rédigé sous l’empire de l’ancienne règle, vous vous assuriez que sa lecture ne prête pas à ambiguïté selon que l’on applique l’ancien ou le nouveau mode de décompte des alinéas. Si tel était le cas, il conviendrait de revoir cette rédaction, par exemple en recourant à la numérotation des dispositions auxquelles il est renvoyé. » Cette préconisation de bon sens semble globalement suivie dans les nouveaux textes. Il est par exemple frappant de voir que les nombreuses énumérations contenues dans les dispositions réglementaires du Code de la consommation sont toutes numérotées. On peut ainsi faire référence à un élément de l’énumération par son numéro ou sa lettre, sans avoir à faire référence au numéro de l’alinéa.
Une précision terminologique pour terminer ce billet. L’antépénultième alinéa peut être une façon élégante de désigner « l’avant-avant-dernier alinéa ». Le pénultième alinéa désigne logiquement « l’avant-dernier alinéa ».
Notes de bas de page :- Circulaire du 20 octobre 2000 relative au mode de décompte des alinéas lors de l’élaboration des textes, JORF n°253 du 31 octobre 2000 p. 17302, NOR PRMX0004462C. [↩]
- Point 1.1.3.5 de la circulaire du 30 janvier 1997 relative aux règles d’élaboration, de signature et de publication des textes au Journal officiel et à la mise en œuvre de procédures particulières incombant au Premier ministre, JORF n°27 du 1 février 1997 p. 1720, NOR PRMX9701883C ; point 1 de la circulaire du 20 octobre 2000 précitée. [↩]
- Op. cit. [↩]
- Ibid. [↩]
- Décret n° 97-1323 du 31 décembre 1997 modifiant le décret n° 96-1154 du 26 décembre 1996 portant délimitation de zones franches urbaines dans certaines communes, JORF n°1 du 1 janvier 1998 p. 29, NOR MESV9723472D, annexe 1. [↩]